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La meilleure saison pour un petit zèbre

  • luciemcthel
  • 18 mai
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 19 mai

Vous êtes-vous déjà demandé si votre date de naissance avait eu un effet sur votre succès dans la vie ? Dans les grandes lignes, c’est ce que j’ai regardé chez le zèbre des plaines. Même s’il est difficile de répondre précisément à une question de ce type, laissez-moi vous éclairer sur quelques-unes des découvertes et hypothèses quant au succès des petits zèbres.

 


Dans le cadre de mon troisième chapitre de thèse, je me suis intéressée à l’effet de la saison sur la survie chez le zèbre, dans un contexte bien particulier, celui de la naissance. As-t-on moins de chances de survivre si l’on est une mère avec un petit à notre charge ? Et lorsqu’on est ce petit, à quel âge sommes-nous le plus vulnérable ? Pour tenter de répondre à ces questions, j’ai utilisé plus de dix ans de données récoltées à Hwange National Park, au Zimbabwe, sur la population de zèbres des plaines qui y vit en permanence.

 

Posons le décor

On pourrait se dire que lorsqu’on est un zèbre au Zimbabwe, peu importe la saison car il fait toujours chaud ! Certes la température ne descend pas dans les négatifs, mais elle fluctue néanmoins, et plus important encore, les pluies fluctuent également. Les saisons à Hwange sont au nombre de deux, une saison humide, généralement (car cela peut beaucoup varier d’une année à l’autre) d’octobre à avril, qui bénéficie de pas moins de 98 % des pluies annuelles, et une saison sèche, pendant laquelle la végétation se fait plus rare et de moins bonne qualité. Dans ces conditions, il est d’une part plus difficile de trouver de l’eau et de la nourriture, et d’autre part plus difficile d’échapper aux prédateurs, qui ont plus de facilité, eux, à trouver leurs proies car elles devront immanquablement se rendre à l’un des points d’eau restants à un moment ou à un autre, et seront peut-être aussi affaiblies par des conditions plus difficiles et donc plus faciles à chasser. Ajoutez là-dessus un nouveau-né qu’il faut nourrir et protéger. Il se pourrait bien que les chances de survie d’une mère et son petit soient assez réduites, d’autant que la durée de la saison sèche est plutôt imprévisible. Mais pas de conclusion hâtive, qu’en disent les stats ?

 

La démographie et les analyses de survie

Pour évaluer les chances de survie d’un individu moyen dans une population, on peut utiliser des méthodes de Capture-Marquage-Recapture, ou CMR. De façon très succincte, cette méthode consiste à revenir à intervalle régulier à l’endroit où vit la population, et à faire l’inventaire des individus que l’on voit. Ceux qu’on ne voit pas peuvent être morts, mais ils se peut très bien qu’on les ait manqués, car il n’est pas toujours facile d’être exhaustif lorsqu’il s’agit de recenser des animaux sauvages. C’est pour cette raison que la CMR joue sur les deux tableaux et estime la chance de survie tout en tenant compte du risque d’avoir manqué un individu. Pour ceux qui seraient intéressés par plus de détails, je vous invite à consulter l’article Les lions c'est comme les souris : si vous en voyez un, il y en a probablement 10 ! où j’évoque un peu plus en détail la méthode de Capture-Recapture Spatialement Explicite, dont les fondements sont les mêmes que ceux de la CMR. C’est donc en utilisant la CMR sur les données démographiques de 2008 à 2019 que l’on peut se faire une idée de la chance de survie des zèbres en fonction de différents paramètres, notamment la durée de la saison sèche. Mais comment savoir si le zèbre qu’on a sous les yeux aujourd’hui est bien Marty, le zèbre de l’année dernière ? En utilisant ses rayures, bien sûr ! Chaque individu dispose d’une combinaison unique de rayures qui permettent de les identifier précisément, comme un code barre ! Il est alors facile, avec un peu d’entrainement, de connaitre l’historique de chaque individu suivi au fil des années, quand il a été vu et quand il a été manqué.

 

La survie des jeunes poulains : maman est là pour veiller sur les petits

D’après les modèles statistiques, un tout jeune poulain (de moins de six mois et qui est encore très dépendant de sa mère) a une survie plus faible qu’un poulain plus âgé, soit un peu moins d’une chance sur deux, et ce quelle que soit la durée de la saison sèche qu’il expérimente durant ses premiers mois de vie. Même si cela peut sembler surprenant au premier abord, il se peut que la mère protège son petit des conditions difficiles, agissant comme un filtre, et limite l’effet d’une saison sèche longue sur celui-ci. Si la mère a pu faire des réserves en avance, elle peut ainsi allaiter son petit malgré le manque de ressources à l’instant présent. Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’il s’agit d’estimations statistiques basées sur des modèles mathématiques, et que plus on introduit d’incertitude dans ces modèles, plus il est difficile d’obtenir un résultat exact. Il se pourrait par exemple que certains poulains qui sont nés pendant une saison sèche et morts très rapidement après leur naissance ne soient jamais observés et donc jamais comptabilisés. Cela donnerait la fausse impression que les poulains survivent aussi bien en saison humide qu’en saison sèche, alors que les seuls poulains observés en saison sèche seraient en réalité les quelques rares individus qui ont en fait survécu.

Un poulain et sa mère (Akagera National Park, Rwanda)
Un poulain et sa mère (Akagera National Park, Rwanda)

La survie des poulains plus âgés : quand il est temps de devenir indépendant

Un poulain plus âgé, quant à lui, c’est-à-dire de six mois à deux ans, a une chance de survivre qui diminue à mesure qu’il est exposé à des saisons sèches longues pendant cette période de sa vie. Ainsi, s’il passe 20 % de son temps en saisons sèche (contre 80 % en saison humide, donc), il a plus de trois chances sur quatre de survivre. Mais lorsque la tendance s’inverse, c’est-à-dire si un poulain passe 80 % de son temps en saison sèche et 20 % en saison humide (qui est le rapport le plus défavorable observé à Hwange entre 2008 et 2019), ses chances de survie retombent à une sur deux. A mesure qu’il grandit et devient indépendant de sa mère, le poulain doit faire face aux conditions difficiles par lui-même, alors même qu’il place déjà beaucoup d’énergie dans sa croissance. Tout cela le rend probablement plus vulnérable aux longues saisons sèches.

Deux jeunes zèbres des plaines (Addo Elephant National Park, Afrique du Sud)
Deux jeunes zèbres des plaines (Addo Elephant National Park, Afrique du Sud)

La survie des juments : c’est en forgeant qu’on devient forgeron

De façon générale, les juments semblent très peu affectées par le temps qu’elles passent en saison sèche dans leur vie et ont une chance de survie extrêmement élevée (plus de neuf chances sur dix), avec ou sans poulain à charge. Même si cet effet n’est pas très fort, il semblerait même que les juments qui n’ont pas de poulain soient plus sensibles à la durée de la saison sèche que les femelles ayant un poulain ! Cela pourrait être dû au fait que les juments qui ont un poulain sont aussi celles qui sont en meilleure condition et réussissent mieux sur tous les tableaux. Même s’il n’a pas été possible de tester cela par manque de données, il se peut que ces juments soient en réalité les plus âgées, et donc également les plus expérimentées.

Les zèbres des plaines vivent en famille, appelées "harem" et réunissant généralement un étalon, plusieurs juments et leur poulains de moins de deux ans (Addo Elephant National Park, Afrique du Sud)
Les zèbres des plaines vivent en famille, appelées "harem" et réunissant généralement un étalon, plusieurs juments et leur poulains de moins de deux ans (Addo Elephant National Park, Afrique du Sud)

En bref, le succès des petits zèbres (leur survie, dans le cas présent) ne dépend pas tant de leur environnement tant qu’ils sont jeunes et reposent sur leur mère, mais les choses se compliquent à mesure qu’ils grandissent et deviennent indépendants. C’est à cette période-là qu’il devient important d’être né au bon moment ! Toutes les subtilités de cette étude sont disponibles (en anglais) en libre accès ici, ou bien en accès restreint sur la page du journal Oecologia ici.

 

C'est tout pour ce mois-ci, à bientôt pour un prochain post !


Crédits photos : Lucie Thel

 
 
 

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