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Phénologie des naissances, une méthode pour toutes les décrire

  • luciemcthel
  • 11 nov. 2023
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 déc. 2023

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C’est un peu la question que l'on se pose lorsqu’on commence à s’intéresser à la multitude de méthodes employées par les scientifiques pour parler de la même chose : la saison des naissances chez les animaux sauvages. Mais ils ont pourtant de bonnes raisons d’en venir à une telle complexité…



Dans mon deuxième article de thèse, j’ai identifié les méthodes mathématiques que les autres scientifiques emploient pour décrire la phénologie des naissances. A l’aide de simulations mathématiques reproduisant différents types de phénologies, je les ai comparées entre elles, puis j’ai défini huit critères pour évaluer les qualités et les défauts de chacune d’elles et les classer selon leur pertinence.


Pourquoi résumer la phénologie ?

Les dates de naissances, cruciales pour la survie des jeunes, sont déterminées par de nombreux facteurs et susceptibles de varier avec les changements climatiques, ce qui en fait un sujet d’étude important en biologie des organismes (on se concentre sur un individu en particulier) et écologie des populations (on étudie la tendance à l’échelle du groupe). Or, la phénologie (à l’échelle du groupe) est une information complexe puisqu’il s’agit du nombre de naissances par unité de temps (par mois, par exemple). Il est donc plus adapté d’utiliser des mesures résumées de la phénologie, à savoir : quand la majorité des naissances a lieu (le timing, si vous me permettez l’anglicisme), et pendant quelle durée (la synchronie). On résume ainsi 12 valeurs en seulement 2. Il est aussi important de décrire à quel point ces mesures sont stables ou au contraire varient au fil du temps (d’une année à l’autre par exemple), mais on ne va pas rentrer dans ces détails aujourd’hui.

Chez le zèbre, il est possible d'observer des naissances tout au long de l'année dans certaines régions d'Afrique, comme au Zimbabwe

Une méthode, dix méthodes… finalement c’est la même chose !

Dans la littérature scientifique, il existe de nombreuses façons différentes de mesurer le timing (j’en ai identifié 11) et la synchronie (pas moins de 25 dans ce cas-là !). Si les plus courantes sont assez simples à mettre en œuvre, telles que la date moyenne des naissances pour le timing ou bien le nombre de mois regroupant 80 % des naissances pour la synchronie, certaines moins courantes demandent beaucoup plus de réflexion et de connaissances en mathématiques et statistiques. Ces méthodes sont souvent employées dans des cas bien particuliers où la distribution des naissances est complexe (au lieu d’une belle courbe en forme de cloche, il y a plusieurs pics dans l’année, ou bien des naissances un peu tout le temps avec de subtiles variations), ou lorsqu’on manque de données par exemple. Cependant, lorsqu’on compare toutes ces mesures sur les mêmes phénologies théoriques (c’est-à-dire qu’on fabrique artificiellement une phénologie dont on connait toutes les caractéristiques à l’avance), on s’aperçoit qu’elles fournissent toutes une information très similaire. Ouf !


Les qualités et défauts des méthodes pour décrire la phénologie

Mais alors, comment choisir la meilleure méthode ? Cela dépend des cas bien sûr, il n’y a pas de recette miracle, mais on peut identifier quelques principes de base qu’il faut respecter dans autant de cas que possible. Pour commencer, cela peut sembler évident, mais il faut utiliser une méthode qui décrit bien ce qu’elle est supposée décrire ! Prenons le cas de la synchronie : il nous faut une méthode qui donne une valeur différente selon que la période de naissance est très étendue ou au contraire très courte dans le temps. Selon le type de phénologie, ce n’est pas toujours facile. Deuxièmement, il faut que la méthode décrive le degré de synchronie de façon monotone, c’est-à-dire que plus les naissances sont rapprochées, plus la mesure de synchronie diminue. On ne veut pas d’une mesure qui diminue, puis augmente puis… diminue à nouveau ! Troisièmement, il faut une mesure efficace et régulière. Comparons le gnou (naissances regroupées sur quelques semaines) avec le topi (naissances regroupées sur quelques mois) et l’impala du Serengeti (naissances ayant lieu un peu toute l’année) : on veut une mesure qui donne une différence marquée aussi bien entre le gnou et le topi qu’entre le topi et l’impala, plutôt qu’une variation d’un centième après la virgule d’un côté et de plusieurs dizaines de l’autre. Pour en finir avec les caractéristiques majeures d’une bonne méthode, on a besoin d’une mesure qui ne sature pas, ce qui signifierait qu’à partir d’un certain degré de synchronie mais pour des niveaux de synchronie différents, on aurait pourtant tout le temps la même valeur. Une fois que ces quatre conditions sont satisfaites, on a une bonne méthode. On peut aller encore plus loin en choisissant une méthode qui tient compte de la circularité du temps, par exemple, soit le fait de considérer que le temps écoulé entre décembre d’une année et janvier de l’année suivante est exactement le même qu’entre juin et juillet de la même année.

De gauche à droite : le gnou, le topi et l'impala sont classés du plus au moins synchrone


Et donc, la meilleure méthode dans tout ça ?

Afin de garder un niveau de complexité raisonnable ici, je laisse les curieux aller vérifier les conclusions détaillées de cette étude directement dans l’article publié en anglais dans la revue scientifique Oikos (en accès libre ici). Cependant, pour ne pas laisser les autres sur leur faim, sachez que la moyenne et la mesure de dispersion des statistiques circulaires (qui considèrent le temps comme sur une horloge) représentent un bon compromis entre efficacité et simplicité !

La durée de gestation de l'éléphant étant de presque deux ans, la distribution des naissances n'est pas facile à mesurer à l'échelle d'une année

Ainsi, il existe de nombreuses façons de décrire la phénologie, mais les méthodes les plus simples sont finalement les meilleures, car elles s’adaptent à de nombreux cas de figures. Si tous les scientifiques utilisent des méthodes communes en plus de celles qui sont adaptées à leur cas précis, cela permettra de comparer plus facilement leurs résultats et donc de mieux répondre aux questions qui concernent toutes les espèces, telles que les effets des changements climatiques sur la période des naissances.


C'est tout pour ce mois-ci, à bientôt pour un prochain post !


Crédits photos : Lucie Thel, Snapshot Serengeti

 
 
 

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