Le Congrès International pour la Biologie de la Conservation
- luciemcthel
- 18 août 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 oct. 2023
Le mois de juillet étant souvent le plus froid à George, il vaut mieux se diriger vers des contrées plus ensoleillées si l’occasion se présente ! C’était donc le moment idéal pour participer à une semaine de conférence internationale au Rwanda…
Le Congrès International pour la Biologie de la Conservation (International Congres for Conservation Biology, ou ICCB pour faire court), organisé par la Society for Conservation Biology, s’est tenu entre le 23 et le 27 juillet dernier à Kigali, au Rwanda. C’était l’occasion pour de nombreux chercheurs et acteurs de la conservation du monde entier de se réunir afin de partager et discuter les dernières avancées en termes de recherche et de pratiques pour la préservation des espèces, mais aussi pour établir de nouvelles collaborations et élargir les réseaux.
La conservation, qu’est-ce que c’est ?
L’idée ici n’est pas de brasser le portrait détaillé du concept de conservation, mais afin de donner un peu de contexte, voilà tout de même la définition de la biologie de la conservation proposée par le Campbell (Campbell Biologie, 5ème édition (2020). Edité par Urry, Cain, Wasserman, Minorsky & Reece. ISBN 978-2-7613-6797-4), un ouvrage universitaire de référence en biologie : il s’agit de « l’étude intégrée de l’écologie, de la biologie évolutive, de la physiologie, de la biologie moléculaire et de la génétique, dont l’objectif est de soutenir la biodiversité à tous les niveaux. »

Le congrès en lui-même
Un congrès international est une occasion en or pour une jeune chercheuse comme moi de découvrir de nouveaux sujets de recherche et méthodes d’échantillonnage et d’analyse, de rencontrer des chercheurs, et dans le cas de l’ICCB, des professionnels de la conservation, et enfin d’établir des liens avec de nouvelles équipes travaillant sur des sujets similaires ou complètement différents. En effet, la richesse de l’ICCB provient de sa grande diversité. Des thèmes aussi larges que l’écologie, le comportement animal, la sociologie, l’économie ou encore la législation se rencontrent, tous réunis sous l’objectif commun de conserver la biodiversité Terrienne !
Comme de nombreuses conférences de ce type, les journées démarrent par une session plénière, une présentation d’une heure et demi sur un sujet assez large, à laquelle tous les participants sont invités. S’ensuit alors une série de sessions thématiques qui s’enchainent jusqu’à la fin de la journée. Commerce des espèces sauvages, conflits et conservation, interactions inter-spécifiques, paysages et écologie spatiale, planification et priorisation pour la conservation, physiologie et maladies de la faune, … en sont quelques exemples. Au sein de chaque session, des présentations sur des sujets précis se succèdent, suivies par quelques minutes de questions posées par l’auditoire, voire par des échanges complets. De nombreuses sessions ayant lieu en même temps dans les nombreuses salles du Convention Center de Kigali, il est difficile de faire son choix ! Des sessions spéciales sont également consacrées à la présentation de posters décrivant les résultats de recherches, des projets scientifiques ou de conservation, et permettent des moments d’échanges directs entre l’auteur du poster et le public qui circule librement entre les sujets. Lors de ces conférences, la plupart des participants sont à la fois spectateurs et présentateurs. J’ai moi-même eu l’opportunité d’assister à de nombreuses sessions et de présenter mes travaux de thèse sous la forme d’un poster scientifique et d’une présentation orale.
Le convention center à Kigali, de jour et de nuit; présentation de mes premier et troisième chapitres de thèse à l'ICCB
Une escapade sous le signe de la conservation
Rien de tel qu’une conférence pour saisir l’occasion de visiter un nouveau pays ! J’ai donc profité de cet évènement et allongé mon voyage de quelques jours afin de visiter un site emblématique dans le monde de la conservation : la tombe de Dian Fossey. Le départ de Kigali se fait à 5 h du matin. Après quelques heures de route au pays des mille collines, nous arrivons en vue du Parc National des Volcans, à la frontière avec le Congo, au cœur des Virunga. Une fois à l’accueil du parc, nous retrouvons notre guide qui nous explique le déroulement de la randonnée, puis après quelques dizaines de minutes sur un chemin des plus chaotique, nous voilà au pied du mont Visoke, prêts à démarrer notre petite randonnée. Le départ se fait au milieu des champs de pommes de terre cultivés par les communautés qui vivent sur place. La première partie de la randonnée est assez escarpée, mais aussitôt que nous nous retrouvons sous le couvert des arbres, le terrain s’égalise. Le mois de juillet étant en pleine saison sèche, les conditions sont très agréables pour randonner ! Nous avons la chance de voir quelques sun squirrels, guibs harnachés et céphalophes à front noir sur le chemin. Le guide nous montre les traces fraiches des buffles qui empruntent le même chemin et… des excréments de gorilles ! Hélas, nous ne serons pas assez chanceux pour les observer ce jour-là.

Wilderson (doctorant à l'Université de Duke, USA), Alice (post-doctorante au Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive de Montpellier, France) et moi au Parc National des Volcans
Après un peu plus d’une heure de marche, nous parvenons à Karisoke, le camp de recherche établi par Dian Fossey en 1967, qu’elle baptise ainsi car il se situe entre les monts Karisimbi et Visoke (d’où la contraction Kari-soke). Sur place, il ne reste que des traces discrètes du camp, la plupart des matériaux de construction des bâtiments ayant été utilisés pendant le génocide qui a eu lieu au Rwanda en 1994. Le cimetière des gorilles quant à lui, est toujours intact. C’est là que Dian Fossey est enterrée, aux côtés de Digit, le mâle dominant (appelé dos d’argent, ou silver back en anglais) qu’elle affectionnait particulièrement, et qui a été tué en 1977 par des braconniers. C’est suite à cet évènement que Dian Fossey deviendra particulièrement active dans la protection des gorilles, créant par exemple le Digit Fund (qui perdure encore aujourd’hui sous la forme du Dian Fossey Gorilla Fund International), ayant même sur la fin de sa vie recours à des méthodes anti-braconnage extrêmes... Dian Fossey est retrouvée dans sa cabane à Karisoke le 26 décembre 1985, après avoir été assassinée dans des circonstances troubles. Dian Fossey est encore aujourd’hui une figure emblématique de la conservation, et si vous êtes curieux de son histoire (et peu enclins à la lecture !), je vous recommande le film « Gorillas in the mist » qui retrace son parcours.
La randonnée vers Karisoke, le centre de recherche de Dian Fossey; le cimetière des gorilles et la tombe de Dian Fossey aux côtés de Digit
Le Congrès International pour la Biologie de la Conservation m’a permis de présenter mes travaux de recherche et de rencontrer d’autres équipes à travers le monde, un évènement majeur dans ma vie de jeune chercheuse ! Cela a aussi été l’occasion de découvrir un pays incroyable, le Rwanda, et une infime part des merveilles dont il regorge…
C'est tout pour ce mois-ci, à bientôt pour un prochain post !
Crédits photos : Lucie Thel, Tom Pavey, Tommy Sandri, Wilderson Medina
Tu as vraiment bien fait de profiter de cette occasion pour échapper au froid de l'hiver, je suis envieux.
Je possède justement le film "Gorillas in the Mist" dans ma collection de Laserdiscs japonais, je préfère d'ailleurs le titre japonais qui parle d'amour : 愛は霧のかなたに. Je vais en profiter pour le regarder une seconde fois car je ne pense pas l'avoir revu depuis les années 90.
La végétation des lieux où vivait Dian Fossey est vraiment d'une grande beauté. À quoi correspond la plaque partiellement effacée que tu as prise en photo ?
Au plaisir de te lire une prochaine fois.
Benjamin